L'Eskabel au cœur de la forêt mauricienne
LE NOUVELLISTE, 23 juillet 1999

CHRISTIAN BOUCHARD

La Grèce antique renaît en plein bois : une folie! Et pourtant, une réalité. Pour un troisième été consécutif, le metteur en scène Jacques Crête et la troupe de L'Eskabel présentent à l'Amphithéâtre au cœur de la forêt la tragédie d'Euripide, Les Troyennes.

La nuit étoilée, le parfum des feuillus et des conifères, la lueur des flambeaux, le silence des pierres, le cri des femmes condamnées à l'exil ; magie des lieux, éclat des mots, beauté des images, dévouement des interprètes : tout concourt à faire des Troyennes un succès populaire qui contrevient à cette règle voulant que théâtre d'été soit synonyme de jokes faciles et sketchs bébêtes.

Ménélas(Photo Gaston Rivard)

Chaque soir de représentation, depuis deux ans, des spectateurs de tout âge et de tous les milieux rendent hommage aux Troyennes. Pourquoi une tragédie d'hier touche-t-elle le public d'aujourd'hui? Peut-être parce que l'être humain manque de mots pour exprimer sa douleur.

Par-delà les siècles, Euripide chante la douleur et nous la rend supportable. Dans le malheur qui les frappe, les Troyennes restent droites. Une leçon de courage et de dignité.

Cette leçon, on la retrouve dans Les lettres de la religieuse portugaise, une mise en scène de Jacques Crête. La comédienne Kim Taschereau interprète une femme abandonnée par son amant ; une religieuse qui essaie de comprendre ce qui lui est arrivé.

D'abord, la religieuse portugaise refuse l'inacceptable ; puis, lentement, elle accueille son destin. Les poings se desserrent, ne restent que deux mains ouvertes. Les cris font place au chant. Une voix dans la nuit, un spectacle qui invite à se réconcilier avec soi-même.

Dans Le tour du monde en 21 chants, oratario pour une actrice, mise en scène de Jacques Crête, la chanteuse et comédienne Danielle Grenier redonne aux mots une puissance d'évocation propre au religieux. Le chant traditionnel s'apparente à la prière, il nous console de nos insuffisances et nous invite au dépassement.

Avec Les Troyennes, Les lettres de la religieuse portugaise et Le tour du monde en 21 chants, le metteur en scène Jacques Crête signe un triptyque. Où la femme est à l'honneur. La femme et le salut du monde.

Notes: La photo inclue n’est pas celle de l’article original.

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